La pierre de touche transforme l’essai

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La pierre de touche est l’outil fondamental du marchand d’or pour essayer les métaux qu’on lui propose et s’assurer de leur titre en or ou en argent. Il s’agit en effet de la méthode d’essai qui allie le mieux fiabilité et facilité d’exécution. Avant d’en détailler les caractéristiques et les modes d’utilisation, revenons sur l’histoire de l’essai des métaux précieux.

Une légende mésopotamienne rapporte ainsi que le négoce de l’or est à l’origine de l’écriture cunéiforme (Robert Nyst, Sous la poussière des grimoires). Il est en tout cas, dès cette époque, aux prémices de l’essai par coupellation, autrement appelé essai au feu. Cette méthode consiste à séparer progressivement les métaux d’un alliage dans des fours à températures contrôlées, par usage de différentes coupelles susceptibles d’absorber différents types de métaux. Jusqu’à en extraire l’or. Cette méthode, longtemps approximative, est aujourd’hui devenue très fiable …. mais requiert des connaissances pointues ainsi que des moyens techniques hors normes !

Dans une antiquité plus récente, la technique du toucheau est mise au point. Pline l’Ancien atteste ainsi dans son Histoire Naturelle de cette technique qui consiste à comparer la trace du métal sur une pierre de jaspe poli à une trace de référence – le toucheau. Nous tenons là l’ancêtre de notre pierre de touche.

Au Moyen-Age, les alchimistes se lancent à la recherche de la pierre philosophale, censée transformer un métal vil (comme le plomb) en or. Cette quête, mêlant science et mystique, échoue dans son objectif principal, mais apporte des résultats collatéraux. Par exemple, la mise au point de « l’eau royale », formule liquide instable à base d’acide chlorhydrique et d’acide nitrique, capable de dissoudre l’or. Une version adoucie de cette formule va peu à peu servir à perfectionner la technique du toucheau : la trace du métal testée n’est plus comparée à une trace de référence, mais testée chimiquement.

Ainsi en arrive-t-on à l’essai à la pierre de touche, dont l’usage est officiellement recommandé en 1437 dans le premier statut des orfèvres de Vicence (Georges-Frédéric Manche, Le contrôle des métaux monétaires) pour lutter contre la fraude et asseoir le peggio de leurs productions. Au XVIème siècle, l’alchimiste et métallurgiste Lazarus Ercker atteste lui aussi de cette pratique. En France, à l’époque moderne, l’aloi des monnaies se fonde également sur cette pratique.

La pierre de touche, au départ formée de jaspe noir poli, voire d’agathe, se compose aujourd’hui souvent de pierre reconstituée. Il s’agit toujours cependant d’une pierre très dense et neutre. On y applique un mélange d’acide chlorhydrique et d’acide nitrique pour révéler l’or 18 carats (beaucoup d’acide chlorhydrique) et 14 carats (beaucoup d’acide nitrique) et seulement de l’acide nitrique pour l’or 9 carats. Pour l’argent, est utilisé du sulfate d’argent ou de l’acide chromique. L’expérience permet d’optimiser l’utilisation de la pierre de touche, qui n’écarte néanmoins pas tous les pièges. Enfin, remarquons que les acides associés sont susceptibles d’entraîner de graves brûlures.